2007/04/24

Comment aborder l'oeuvre d'art, telle est la question


06h45, j'erre sur mon blog préféré. Rijk, Faustine, où êtes vous? Lançons un grand débat, nous verrons où cela nous mène.

La charmante pin-up d'accueil m'interpelle. Je songe à Molly Kiely et ses pin-ups plus rondes et beaucoup plus crues que la pin-up classique. Critique? hommage? Les deux?

Puis la possibilité d'une pin-up black surgit. Je tape les mots fatidiques sur Google image, "African pinup". Google me demande d'enlever les apostrophes pour obtenir des résultats. Conclusion logique: il ne peut donc y avoir de pin-up black?
C'est intéressant car des femmes noires aux Etats-Unis ont probablement été influencées par l'image de la pin-up blanche, des pin-ups noires ont probablement été dessinées. Il a forcément dû il y en avoir, mais d'elles nous ne gardons aucune trace, ou du moins, aucun des sites référencés sur google n'a choisi de marquer leur existence. Voici la plus brune que j'ai pu trouver...



De la non-représentation qui altère la perception d'une époque, passons à la surreprésentation aux effets comparables.


M'étant récemment passionnée des oeuvres de Romaine Brooks, je recherche avec hâte des articles sur elle, en attendant de m'offrir je ne sais combien de livres à son sujet.



La première remarque à faire, c'est que Romaine Brooks a peint l'élite lesbienne parisienne de 1900. Ce milieu était alors l'un des hauts lieux de la vie culturelle occidentale. Le salon de Gertrude Stein a reçu Picasso, Hemingway, et Fitzerald - excusez du peu - et celui de Natalie Barney, la compagne de Romaine Brooks pendant plus de cinquante ans, Colette et Valéry entre autres. Ces portraits reflètent clairement ce milieu, difficile alors de ne pas les analyser sans dire que la femme représentée est lesbienne.

Seconde remarque, Romaine Brooks a longtemps été ignorée par les milieux de l'art, sa peinture étant considérée comme glauque (dominée par des tons gris et bleus), marginale et sans conséquence ni importance. Il y a donc un progrès dans la redécouverte actuelle de son oeuvre aux Etats-Unis. Tout comme il y a un progrès dans le fait que je découvre - enfin ! - que la vie culturelle parisienne entre 1900 et 1914 était faite dans des salons tenus par des lesbiennes américaines. Aucun cours de prépa ne l'a jamais mentionné. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.

Troisième remarque, une grande majorité des articles lus mentionnent voire se concentrent sur l'homosexualité de Brooks. Reappropriation de Brooks par le milieu artistique et universitaire homosexuel contemporain pour établir plus clairement l'existence d'une communauté artistique gay de la Belle Epoque jusqu'à présent ignorée?

Une exposition a eu lieu au National Museum of Women in the Arts à Washington, D.C. en 2002 qui marquait les relations de Brooks avec des femmes. Mais à quel point l'insistance l'homosexualité ne dénature pas l'oeuvre de Brooks? L'exposition fut accueillie positivement - ce dont je me réjouis - mais je ne peux m'empêcher de penser à la remarque d'une des biographes de Romaine Brooks, Meryle Secrest : "Why are we now taking the reductionist view that what matters about her art is her lesbianism?"

Il est vrai que depuis plus d'une vingtaine d'années le courant des gender studies a permis de réexaminer des faits historiques qui nous paraissaient élucidés à la lumière du genre, faisant ainsi apparaître des relations très surprenantes (je pense à l'utilisation du genre et d'images liées à la féminité et à la masculinité ainsi qu'à l'utilisation de la violence sexuelle dans des conflits ethniques pour humilier ou glorifier un groupe ethnique). Mais quand vient le moment où l'on en oublie "le reste" qui éclaire tout autant le fait historique, l'oeuvre d'art que la sexualité des hommes et femmes ?

Que l'on parle d'homosexualité, d'origine ethnique ou d'origine géographique, le problème peut-être posé dans des termes similaires.
Il faut insister sur ce qui a longtemps été caché ou nié - l'aspect d'un artiste ou d'une oeuvre qui n'est ni "mainstream" ni "mainstreamisable" ?
Mais, comment ne pas réduire l'oeuvre d'art à l'une de ses dimensions? Quand est-ce qu'un point de vue nous en apprend trop sur celui qui analyse et son époque par rapport à ce qu'il nous enseigne sur l'oeuvre examinée?

Vous avez quatre heures.

1 commentaires:

faustine a dit…

vaste question!!!!!!!

en attendant, grâce à tes liens et à mon éternel esprit d'association, jai découvert une photo magnifique de Zeala Neale Hurston par un certain Carl Van Vechten
http://www.loc.gov/rr/print/guide/pp0543.jpg

je ne sais pas si c noms te disent qqchose. Voici une mini bio récap:

Zeala Neale Hurston was a major figure in the Harlem Renaisance of the 1920s and 1930s. Carl Van Vechten's portrait was taken the year after Hurston's most important novel, the folk romance Their Eyes Were Watching God (on m'en a parlé à Austin, j'avais failli le lire), was published. Van Vechten, a writer and critic as well as an amateur photographer, was known as the "chronicler of Manhattan" and became an effective advocate of African-American music and letters.