2007/08/02

Satrapi, Marjane Satrapi







Bien bien bien. Que dire sur Marjane Satrapi? Faire son éloge serait long et fatigant, alors voici ce que d'autres lui demandent et ce qu'elle leur répond.





"Votre dernier volume, Poulet aux prunes, a été primé à Angoulême. Est-ce que cette consécration a changé le regard du public sur votre œuvre ? Est-ce que vous sentez un engouement supplémentaire ?

Je ne sais pas, parce que franchement, ce n’est pas pour faire la modeste mais les nouvelles sur moi-même ne m’intéressent que très peu. Je préfère consacrer le temps dont je dispose à travailler. Avant cela m’intéressait plus parce que c’était le début. En revanche je suis très contente que ce prix ait été attribué à Poulet aux prunes et pas Persepolis. En France, le succès est quelque chose de très suspect. C’est vrai que souvent, ce ne sont pas les meilleurs livres qui font un succès, mais là, je n’estime pas que mon livre soit mauvais sinon je ne l’aurais pas donné à publier — je vous ai dit que je n’étais pas modeste. Donc avant tout le monde je suis persuadée que c’est un bon livre. Pour justifier le succès de Persepolis, on a commencé à dire que c’était parce que j’étais une femme, ou parce que j’étais tiers-mondaine, ou je ne sais pas quoi. Ils ont fait de moi un phénomène ethnique, un peu comme les musiques du monde. C’est très vexant et indignant. Qu’on critique mon travail et qu’on ne l’aime pas est une chose, soit, quand j’écris je m’expose et ne m’attends pas à ce que tout le monde aime mon livre. Mais alors, qu’on critique mon livre sur des choses critiquables. Me considérer comme un phénomène ethnique est vraiment grave et bas. Et quand on essaie de justifier le succès de mon travail par le fait que je suis une femme, c’est encore plus bas. Avant de m’estimer comme femme je m’estime comme être humain et artiste. Et les autres, je les estime comme des êtres humains indépendamment de leur sexe.
Poulet aux prunes est une histoire d’amour. Cela se passe en Iran mais on s’en fout, ça pourrait très bien se passer ailleurs. On ne peut plus parler de phénomène ethnique. Je suis donc très contente du prix de ce point de vue-là."

L'intégralité de l'entretien ici

11 commentaires:

faustine a dit…

j'ai lu "embroiederies" (elle pourrait pas écrire "broderie" comme tout le monde, je frôle la dyslexie là!) aux States, et j'ai trouvé ça beaucoup plus faible malheureusement. déception!
Mais j'ai hâte de m'attaquer à Poulet aux prunes (un peu comme avec les séries, j'ai tjs 3 ans de retard!)

Rijk a dit…

Un peu long le film par contre... Il pose des questions intéressantes sur la société iranienne mais on peut se demander ce qu'il faisait dans la sélection officielle cannoise...

faustine a dit…

tu rigoles??? c'était un des films les plus inventifs et les plus originaux de la sélection!!!!!
Et l'histoire dépasse bien plus que "les questions intéressantes sur la société iranienne"...
y a un travail énorme sur comment on s'arrange avec sa mémoire, avec le déracinement, avec le passage à l'âge adulte, avec une identité hybride etc. Et pour éviter de jouer sur les questions féministes qui ne sont peut être pas le meilleur argument en faveur du film, je pourrais aussi te parler de la réalisation qui est restée à la fois très fidèle aux livres, tout en imposant un rythme et un imaginaire qui les régénère.

Bref, j'espère que tu vas lire ces quelques lignes et riposter!

Rijk a dit…

Original?... Après le début assez plaisant l'histoire ne nous surprend plus. Le déracinement, l'identité hybride... tout cela a été traité nettement mieux dans d'autres films.
Et franchement, le traitement en 1h30 est assez superficiel: les non-dits qu'on trouvait subtiles au début passent pour des facilités du récit. A vouloir trop dire en peu de temps (normal au format film d'animation), on dilue son message (syndrôme Harry Potter). Peut-être aurait-il mieux valu se concentrer sur une période/message/thème.
De toute façon si le film était bien, il ne méritait pas une palme pour deux raisons. La première est qu'il n'interroge pas profondément que les questions évoquées précedemment comme l'ont fait d'autres. la deuxième est que l'émotion ne passe telle qu'on en parle après la projection encore et encore (Babel par exemple laisse une trace des heures après). La dernière découle des deux précédentes: ce film n'est pas destiné à devenir un classique, comme le répète constamment Assouline, "qui n'a pas fini de dire ce qu'il a à dire."

faustine a dit…

je tiens juste à préciser que le film n'a pas eu la palme... mais seulement le prix du jury!

Sinon, je te mets au défi de me faire une liste de films qui t'ont marqué sur le déracinement, les identités hybrides etc!
Sérieusement, je suis sûre qu'il y en a plein auxquels je ne pense pas, là, dans l'instant, et qui sont effectivement peut être plus forts,plus justes aussi.
Enlighten me!

Et je parlais d'originalité dans la forme, principalement!Mais je me suis aussi laissée happer et surprendre jusqu'à la fin, et pourtant, j'avais lu la bd!

Et pourquoi tu utilises toujours des formules avec "on" et "nous"!????
C'est toi, c'est ton opinion!!!!!!
ça me ferait plaisir un jour de te lire et de voir un "JE"!

Rijk a dit…

Ha ha c'était le pari de ne jamais utiliser la première personne :p

Kudzu a dit…

Etant quelqu'un d'un peu simple d'esprit et de très passif face à tout ce qui se trouve sur pellicule, je l'ai juste trouvé très beau ce film tout en étant divertissant.
Etant donnée la densité de la bd, pas évident de voir ce qui doit ou ne doit pas être dit en 1h30. Je suis contente que ce ne soit pas un essai sur la personalité de Marjane S.
Quant à d'autres films sur la tension qui peut exister quand on vient/vit dans deux univers assez différents, on pourrait nommer Ressources Humaines.

faustine a dit…

le "pari" d'employer à tout bout de champ "on" et "nous"???
Tu t'es donné ce défi?
Tu trouves pas que du coup ça donne un style un peu empoulé parfois???

Kudzu si tout le monde était aussi "simple d'esprit" que toi, le monde serait peuplé de gens supérieurement éveillé je crois!

Rijk a dit…

Chacun fais comme il veut. Si tu veux parler de toi libre à toi. Ce n'est pas vouloir éviter le narcissisme que que ne pas parler à la première personne. C'est vouloir dépasser ses écueils habituels de parler de soi.
Et puis pour la petite histoire c'est suite à une conversation avec un pote qui critiquait le dirigisme et le snobisme du blog après quelques posts du début et c'est pour lui montrer que conseiller ce n'est pas diriger et qu'on peut très bien dire des choses personnelles sans utiliser la première personne du singulier (le pluriel étant admis!).
Et bon, donne plutôt ton avis sur la nouvelle pin-up!

Killian a dit…

Je suis encore plus simple d'esprit que Kudzu alors ne m'en voulez pas si je pose une question un peu niaise, mais j'ai l'impression de ne pas saisir tout le sens de l'expression "identité hybride". Ca s'utilise pour quelqu'un qui est né dans un pays/est originaire d'un pays mais a vécu dans un autre pays et du coup, son identité est marquée par son expatriation/exil/voyage? Ou y a t-il quelque chose de plus subtile derrière ce terme?

Note pour Rijk: j'adore ta dernière Pin-Up. D'ailleurs je comptais te la piquer pour la mettre sur mon Myspace et faire un lien vers le blog. Une manière de lancer la campagne de communication en quelque sorte.

Concernant Persépolis, au risque de faire gonfler la polémique, j'ai beaucoup ri pendant ce film. J'ai aimé la légèreté avec laquelle les thèmes de la guerre, du déracinement et autres ont été traité. Ce sont des questions assez difficiles et j'ai trouvé ça bien que Satrapi prenne le parti de ne pas "traumatiser" son public, mais bien de le faire rire. Lorsque l'on vit des choses extrêmes d'une manière générale, la plus belle manière de les surmonter est de les relativiser, d'en rire a posteriori, plutôt que de les ressasser sans cesse et de s'ériger en martyr. Pour des images marquantes/traumatisantes, il suffit d'allumer sa télé et de regarder les infos.

faustine a dit…

Rijk, pour couper court à notre problème stylistique et rhétorique, je voulais te dire depuis quelques jours que ta pin up est une vraie réussite!

Sinon, Killian, t'as raison de faire remarquer que Persepolis fonctionne aussi énormément sur une forme de distance rieuse et douce. On sourit beaucoup pendant ce film! Je ne suis pas sûre d'avoir éclatée de rire, mais je n'ai effectivement jamais eu l'impression qu'on m'accablait sous un discours dogmatique et prise de tête. Il y a surtout plusieurs personnages ou situations qui apportent des contrepoints et "comic relief". Notamment le franc parler de la grand mère, ou Satrapi elle même qui n'hésite pas à faire preuve d'autodérision!

Pour "identité hybride",je suis assez d'accord avec ta définition, mais je pense qu'elle n'est pas seulement circonscrite à la notion de nationalité, mais qu'elle peut s'ancrer dans l'expérience, le milieu social, les goûts etc...

Dernière note pour Rijk, le snobisme et le dirigisme risquent(selon moi) d'être encore plus flagrants à coup de "nous" parce que ça donne un côté pseudo collégial, accord commun au mieux, et un côté dissertation, annonce de plan mal gérée au pire!!!!
ça balance!

Et en même temps je comprends ta démarche, c'est ça qui m'énerve encore plus!